Instabilités, Ondes et Turbulence
Les écoulements naturels et industriels, en géophysique, en aéronautique ou en génie des procédés, sont complexes, instationnaires, parfois multiphasiques, et le plus souvent turbulents. Comprendre et modéliser ces écoulements constituent un véritable défi, aux enjeux à la fois fondamentaux et pratiques.
À l'échelle de la planète, les écoulements atmosphériques et océaniques sont soumis à des effets de stratification et de rotation d'ensemble. Ces effets conduisent notamment à l'existence d'ondes internes, ainsi qu'à l'émergence de tourbillons ou de jets cohérents pouvant influencer profondément les propriétés de mélange (chaleur, polluants...)
À échelle plus petite, les écoulements avec interfaces (soit entre deux liquides, soit entre un liquide et un gaz) constituent un autre exemple de tels écoulements complexes. La formation de la houle en mer illustre bien l'étendue des questions ouvertes, qu'il s'agisse de l'origine des premières rides sous l'effet du vent, de leur amplification, ou encore des mécanisme de saturation et de dissipation par déferlement. D'autres exemples sont l'instabilité d'enroulement des "cordes liquides" qui tombent sur une surface, ou encore la morphologie surprenante des "membranes liquides" qui se forment à l'embouchure d'un tuyau horizontal.
Dans cet axe de recherche, nous développons des expériences modèles, visant à reproduire ces écoulements complexes depuis les premiers stades d'instabilités jusqu'aux situations pleinement turbulentes, dans des configurations simples et contrôlées.

Sprays chargés électriquement
Les liquides peu conducteurs peuvent se charger électriquement lorsqu'ils sont pulvérisés, ce qui entraîne
une répulsion inter-gouttelettes qui limite leur coalescence et influence la
forme du panache de pulvérisation. Avec une combinaison d'expériences de laboratoire
et une théorie de couche limite, nous montrons que le courant mesuré est parfaitement décrit
par une courbe universelle en fonction de la
vitesse du liquide sur quatre ordres de grandeur. Des simulations numériques avec un simple
modèle de répulsion intergouttelettes donne des prédictions précises de la divergence
du panache de pulvérisation.

Faire des plis en soufflant sur un liquide
Lorsque le vent souffle à la surface d'un liquide, il est bien connu qu'il se forme, au-delà d'une vitesse seuil, des ondes propagatives. Mais qu'advient-il lorsque le fluide est très visqueux (100 à 1000 fois plus visqueux que l'eau), au point que ces ondes propagatives deviennent amorties de manière critique ? On constate expérimentalement que les ondes se déstabilisent violemment sous forme de "plis liquides" très localisés, à la manière d'un tissu formant des plis devant un fer à repasser. Une fois formés, ces plis liquides avancent à grande vitesse, poussés par le vent.

Des spirales de Fermat dans un système diphasique aqueux
L'interaction entre un sel
et un tensioactif anionique génère des gradients de tension superficielle, qui entraînent un processus de transport
en surface (effet Marangoni). Ce transport provoque l'ascension et l'enroulement d'un filament issu d'une
gouttelette d'eau salée et la formation d'un intriguant motif en spirale de Fermat à la surface. Cet enroulement ascendant du filament induit par la convection de Marangoni pourrait
inspirer la fabrication de fibres.

L'empreinte du vent sur l'eau et la naissance des vagues
Dès qu'une brise légère souffle à la surface de l'eau, bien avant le seuil de formation des premières rides capillaires, on constate que la surface n'est pas parfaitement lisse comme un miroir. Il apparait des déformations de très faible amplitude (de l'ordre de quelques microns), nommées wrinkles. Nous avons montré que ces wrinkles sont l'empreinte des fluctuations de pression voyageant dans la couche limite turbulente générée par le vent, qui viennent strier la surface de petits sillages instationnaires. Nous étudions ces wrinkles grace à des expériences en soufflerie basées sur une méthode optique très sensible (Synthetic Schlieren) et à des simulations numériques.
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Comment nagent les micro-colonies d'algues ?
Les micro-algues flagellées unicellulaires de type Chlamydomonas sont capables de nager en direction de la lumière afin d'optimiser la photosynthèse : c'est le mécanisme de phototaxie. Cette nage biaisée vers la lumière est effectuée grace à une action différentielle des flagelles selon la direction de la lumière reçue. Comment cette propriété a-t-elle été transmise à leur cousine Gonium, petite colonie de 16 cellules assemblées en plaque carrée, capable de nager sous forme d'intrigantes trajectoires hélicoidales en direction de la lumière ? Nous avons développé un modèle hydrodynamique qui permet de relier le comportement individuel des cellules à la nage d'apparence coordonnée de la colonie.

Oscillations en chaîne
Lorsqu'un jet d'eau sort d'un orifice elliptique, il se forme une structure
en forme de chaîne causée par des oscillations capillaires et inertielles.
Nous avons étudié ce phénomène à l'aide d'
une combinaison d'expériences de laboratoire, de théorie
et de simulation numérique directe. Nous constatons que
la fréquence d'oscillation n'est pas en accord avec une théorie linéaire due à Rayleigh (1879),
mais s'accorde en revanche avec une théorie non linéaire étendue due à Bohr (1909).

Le rideau de Torricelli : Morphologie des jets laminaires sous gravité
Bien que la forme d'un jet qui jaillit horizontalement d'un orifice
ait été etudiée par Toricelli (1643), ce problème classique de la mécanique
des fluides peut encore nous surprendre. Lorsqu'un jet laminaire jaillit de l'embouchure d'un tuyau, il se divise en deux jets, l'un primaire et l'autre secondaire,
reliés par un mince rideau vertical de fluide.
Nous étudions ce comportement inattendu en utilisant des expériences de
laboratoire couplées à des simulations numériques.
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Turbulence d'ondes internes dans les fluides stratifiés et en rotation
La stratification en densité des fluides et la rotation de la Terre constituent deux ingrédients clés de la dynamique des océans et de l'atmosphère. Ceux-ci modifient profondément la turbulence hydrodynamique en permettant la propagation d'ondes internes dans le volume du fluide. Nous cherchons à tester expérimentalement la pertinence de la "théorie de la turbulence faible" qui ambitionne de décrire les régimes de turbulence où les ondes internes dominent l'écoulement. Dans le cadre de la "Simons Collaboration on Wave Turbulence" (2019-2026), nous avons réalisé en 2020 la première observation expérimentale quantitative de la turbulence faible d'ondes d'inertie dans un fluide en rotation. Nous cherchons à présent à atteindre en laboratoire le régime de turbulence faible d'ondes internes de gravité dans un fluide stratifié.
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