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Un pendule de Foucault fluide

Membres: J. Boisson, P.-P. Cortet, F. Moisy

Collaboration: D. Cébron (ETH Zurich)


Nous avons tous entendu dire que le sens de rotation d'un tourbillon dans un lavabo qui se vide est différent selon que l'on observe ce phénomène dans l'hémisphère Nord ou Sud. Mais observer réellement ce phénomène est autrement plus difficile que se contenter de répéter cette histoire... A l'échelle d'un lavabo, l'effet de la rotation de la Terre se mesure en microns par seconde, et aura toutes les chances d'être masqué par un quelconque mouvement initial de l'eau. Observer sans tricher ce phénomène bien réel reste néanmoins possible, à condition de disposer d'une expérience extrêmement bien contrôlée.

Propagation of a plane inertial wave

Fig. 1: Visualisation de l'écoulement induit par la rotation de la Terre, mesuré par PIV dans un plan vertical dans le référentiel tournant. Ces mesures montrent 2 vues d'un tourbillon d'axe fixe dans le référentiel du laboratoire, autour duquel tourne l'observateur: (a) vue de face, montrant une rotation dans le sens anti-horaire; (b) vue de côté, montrant un écoulement montant (le plan de mesure est décalé par rapport à l'axe de rotation).


Les expériences de mécanique des fluides montrant une influence de la rotation de la Terre ne sont pas courantes. On peut qualifier de telles expériences d'analogues fluides du célèbre pendule de Foucault. L'expérience réalisée récemment au Laboratoire FAST à Orsay est conceptuellement la version la plus simple d'un tel pendule de Foucault fluide. Une sphère en verre d'environ 20 cm de diamètre, remplie d'eau, est mise en rotation à une vitesse angulaire constante de quelques tours par minute sur la plateforme "Gyroflow". Un système de Vélocimétrie par Images de Particules (PIV), embarqué dans le référentiel tournant, permet alors de mesurer les champs de vitesse du fluide. Après un régime transitoire de mise en rotation (de l'ordre d'une dizaine de minutes), on s'attend naturellement à ce que l'eau tourne exactement à la vitesse de la sphère. Mais surprise: même après plusieurs heures, l'eau refuse de tourner à la bonne vitesse! On détecte dans le référentiel tournant la présence d'un écoulement secondaire très faible, de l'ordre de quelques dizaines de microns par seconde (fig. 1). Il s'agit en fait d'un tourbillon d'axe horizontal, fixe dans le référentiel du laboratoire (approximativement orienté selon une ligne Est-Ouest), qui se superpose à l'écoulement de rotation principal imposé par la sphère.


A inertial mode excited in a cube under libration

Fig. 2: Schéma de notre expérience: la rotation de la Terre induit un mouvement de précession sur la sphère en rotation. [schéma inspiré de Triana et al. J. Geophys. Res. 117, B04103 (2012)].


Cet écoulement secondaire a pour origine la rotation de la Terre. En effet celle-ci, en imprimant un lent mouvement de précession à l'axe de rotation de la sphère (fig. 2), induit un couple gyroscopique qui défléchit légèrement la trajectoire circulaire du fluide. Ainsi, ce n'est pas directement la vitesse de la Terre qui est détectée, mais un écoulement secondaire résultant de l'équilibre entre ce couple gyroscopique et la friction visqueuse avec la paroi de la sphère. Au final, le fluide tourne autour d'un axe légèrement incliné par rapport à l'axe de rotation de la sphère, d'un angle de l'ordre de 0.1 degré. Une telle différence aurait évidemment été trop faible pour être mesurée directement depuis le référentiel du laboratoire. Mais depuis le référentiel tournant où sont réalisées les mesures, la rotation principale se trouve naturellement soustraite, et l'on devient sensible à cette petite différence sous forme d'un tourbillon horizontal résiduel d'axe fixe dans le laboratoire.

De façon remarquable, de tels écoulements induits par précession sont omniprésents dans les étoiles et dans le noyau liquide des planètes. Par exemple, l'axe de rotation de la Terre, incliné de 23 degrés par rapport au plan de l'écliptique, effectue lui-même un mouvement de précession autour d'un axe fixe avec une période d'environ 26 000 ans (précession des équinoxes). Il en résulte un écoulement secondaire dans le noyau liquide, analogue à celui observé dans notre expérience. L'influence de tels mécanismes dans la dynamique du noyau, ainsi que dans la génération par effet dynamo du champ magnétique Terrestre, fait l'objet aujourd'hui d'importants débats. Ainsi, cette simple expérience fournit un modèle réduit saisissant des écoulements complexes présents en géophysique et en astrophysique.


Publications

  • Earth rotation prevents exact solid body rotation of fluids in the laboratory
    J. Boisson, D. Cébron, F. Moisy, P.-P. Cortet, EPL 98 59002 (2012) [PDF]
    Sélectionné dans "EPL Highlights 2012"
  • Un pendule de Foucault fluide
    J. Boisson, D. Cébron, F. Moisy, P.-P. Cortet, Reflets de la Physique 31 p.22 (2012) [PDF]

Presse

Un article sur ce travail dans CNRS Le Journal: D. Delbecq, CNRS Le Journal 268 p. 8 (2012). [PDF]

Remerciements

Cette expérience et le projet Gyroflow ont reçu les soutiens financiers du RTRA "Triangle de la Physique" (projets 2008-080T et 2011-037T), ansi que de l'Agence Nationale de la Recherche (projets 06-BLAN-0363-01 "HiSpeedPIV" et 2011-BS04-006-01 "ONLITUR").


Dernière modification : April 17 2013, 17:03:08.